Avec ce type de support pédagogique, les cours de neuro auraient été plus faciles.....ou pas! ^^

 

 

Constater que les affiches qui portaient la photo de Marion ont disparu pour laisser place aux journées Portes Ouvertes, l'apparence avant tout....l'impression que laisser aux gens le jeudi pour la pleurer mais que le vendredi, tout doit être revenu à la normale...

 

S'apercevoir que déjà l'affiche qui portait son prénom qu'elle avait scotché à la fenêtre de sa chambre et qu'on voyait distinctement en s'approchant de l'internat n'est plus là...

 

Retrouver des collègues qui ont besoin de demander pourquoi ça ne va pas, qui ne comprennent pas....

 

Rejoindre un dortoir vidé de plus de la moitié de son effectif....le sentiment d'habiter une ville fantôme...

 

Voir que la veille, la collègue l'a noté absente sur son appel...

 

Descendre l'appel du jour, énoncer la liste des absentes à la CPE et se prendre une gifle lorsqu'elle se plaint du nombre d'appels à passer...

 

Refaire mon cahier d'internat, en y dressant la liste des désormais 25 élèves du dortoir pour éviter qu'une collègue indélicate ne barre le nom de Marion pour signifier qu'elle ne viendra plus...

 

Ouvrir la porte de sa chambre pour y éteindre la lumière et voir que ses affaires sont encore là, avec le désordre d'une adolescente, comme si elle allait revenir. Seule la peluche avec laquelle elle dormait n'était plus là, puisqu'elle dormira avec elle pour l'éternité...

 

Tout ça, c'est difficile. Mais le pire, c'est l'indifférence et l'incompréhension de certains...comme s'il n'était pas normal d'être triste, comme si rien ne s'était passé.

 

Mais le plus dur est encore à venir : mardi, je retrouverai mes élèves. Des élèves effondrées....j'appréhende. Je ne sais pas comment je suis supposée gérer la situation. Le peut-on seulement?

 

 

 

♫ Pour tous ceux qui restent
Pour ceux qui espèrent
Pour tous ceux qui marchent encore sans ta lumière
Pour tous ceux qu'on laisse
Pour tous ceux qu'on perds
On s'accroche à demain
Mais on n'oubliera jamais hier ♫

Marie Mai-Chanson pour hier et demain

Marion ne viendra plus à l'internat. Plus jamais.

 

Plus jamais, je ne lui demanderai de se mettre au travail ; plus jamais, son rire et ses éclats de voix ne se feront entendre dans mon dortoir.

 

Marion a décidé de mettre fin à ses jours hier. Elle a opté pour une méthode violente, qui ne lui a laissé aucune chance.

 

J'ai appris la nouvelle ce matin au lever. Bêtement. Parce que j'ai envoyé un sms à une collègue au sujet d'un éventuel remplacement. Et que ça l'a décidé à m'appeler pour me dire ce qui s'était passé. Je n'en suis pas revenue. Personne n'a rien vu venir, et ça m'a complètement sidérée.

 

Pendant cette conversation, l'une des CPE m'a laissé un message me demandant de rappeler une autre CPE, celle qui est de service à l'internat le mardi soir. Celle avec qui j'ai "enguirlandé" Marion au sujet de son usage de la salle info. Elle m'en a reparlé, m'assurant que son suicide n'avait rien à voir avec ceté événement. Evidemment, je ne crois pas que ce soit ce qui a motivé le passage à l'acte. Mais me dire que ce sont là les dernières paroles que j'ai échangées avec cette gamine (elle aurait eu 18 ans en juin), c'est pas facile.

 

Une cellule psychologique d'urgence a été mis en place au lycée. Ca me paraissait une nécessité, et au vu des messages laissées par ses amies sur son mur FB, c'est vraiment une bonne chose.

 

L'une de mes élèves se reproche la mort de sa copine, mais je suis persuadée qu'il n'y a rien qu'elle aurait pu faire pour empêcher ce drame. Mais pour une qui ose l'écrire, combien le pense?

 

Son dernier message sur FB date d'hier, 21h09 : Riion :) Game Over :)

Mais le jeu continue pour ton entourage, Marion...un entourage qui n'en maîtrise pas les règles...

"Comment fait-on avec les sentiments qui débordent? Si on les exprime mal, on fait tout à l'envers. Quand on a des fleurs à offrir, on ne les donne pas avec la tête en bas, les tiges en l'air, sinon l'autre ne voit que les épines et se pique. Moi, je fais ça avec les sentiments, je les offre à l'envers."

 

Katherine Pancol, in La Valse lente des tortues.